C’est une exposition très attendue qui a ouvert ses portes début octobre jusqu’au 19 février 2019 au Grand Palais. Parce qu’elle est consacrée à un peintre majeur du 20ème siècle, Juan Miró, 44 ans après la dernière exposition parisienne…
C’est aussi un ami de l’artiste qui en est le commissaire, l’historien d’art et ancien directeur de la Fondation Maeght, Jean-Louis Prat.
Le nom donné à cette exposition, « La couleur de mes rêves », est à la hauteur de l’œuvre de cet artiste protéiforme catalan surdoué, peintre, sculpteur, graveur, céramiste, et qui a été tout au long de sa vie profondément imprégné de l’univers méditerranéen dont il est originaire. « Je travaille beaucoup ; pour aller vers un art de concept, qui prend la nature comme point de départ, jamais comme point d’arrêt. »
Un artiste curieux
Juan Miró n’a jamais cessé de réinventer son œuvre, passant au gré de sa curiosité aux périodes fauve, expressionniste, cubiste et détailliste, surréaliste, y compris attiré à un moment de sa vie par l’art naïf.
Le surréalisme l’a tellement inspiré qu’il en est depuis devenu l’un de ses représentants phare. « Le surréalisme m’a permis de dépasser de loin la recherche plastique, il m’a mené au coeur de la poésie, au coeur de la joie ; joie de découvrir ce que je fais après l’avoir fait, de sentir gonfler en moi, à mesure que je peins un tableau, le sens et le titre de ce tableau. ».
Cette soif de découverte, c’est aussi son ami Jean-Louis Prat qui en parle le mieux « Il souhaitait se mettre en rapport avec l’école française de Cézanne jusqu’au cubisme. Miró n’était pas un catalan casanier, mais un catalan international, comme il l’écrira. Il voulait quitter Barcelone poussé par sa curiosité de comprendre et de voir. A Paris, il a rencontré les grands poètes de son temps. Il va se lier d’amitié avec Paul Eluard, Michel Leiris, Tristan Tzara, Robert Desnos, André Breton mais aussi, bien entendu avec André Masson et Pablo Picasso et tant d’autres qui l’aideront à forger son futur. Mais il sera toujours indépendant. Curieusement, il semble aussi bien interrogé les intellectuels qui écrivent que les peintres. Il a le goût de la profondeur d’une pensée. Il se dit que les mots qu’inventent ces poètes peuvent lui servir comme point d’appui pour découvrir un autre monde. Il regarde la peinture mais il ne fera jamais à ‘’la manière de’’, c’est ce qui, probablement, lui donne son autorité et son caractère unique. »
Un univers inédit
L’œuvre de Miró est tellement personnelle, poétique, passionnée, colorée, qu’elle fait aujourd’hui partie de l’inconscient collectif européen. Il aimait questionner l’esprit, le subconscient même. « Miró ne peint jamais bleu-ciel, rose-amour, ni noir-chagrin. Le registre de ses sentiments est infiniment plus complexe. Ce sont toujours des sentiments de grand format poussés jusqu’à leurs extrêmes limites », a écrit son contemporain, le peintre, poète et sculpteur, Hans Arp. Le monde poétique qu’il a créé était effectivement jusqu’alors inconnu dans la peinture du 20ème siècle. Pour le commissaire de l’exposition, Jean-Louis Prat, « Miró a su créer un alphabet qu’on ne connaissait pas en peinture. C’est un langage dont nous avons besoin aujourd’hui, qui n’est ni figuratif ni abstrait et qui invente quelque chose en relation avec l’esprit, un univers ouvert au monde. Il y a toujours chez lui une fidélité avec le sol qui l’a vu naître et également avec ceux qu’il a connus. »
70 ans de création
Ce sont donc 150 œuvres qui sont réunies au Grand Palais jusqu’au 4 février prochain, peintures et dessins, céramiques et sculptures, livres illustrés, provenant de grands musées internationaux, européens et américains, ou de grandes collections privées. « Dans cette rétrospective, le visiteur suivra le chemin de Miró durant toute une vie, presque 70 ans de création, d’un renouvellement constant où il conserve toute sa force et une fraîcheur d’esprit inégalée. Les formats de la peinture grandissent au fil de l’exposition et on pourra y découvrir divers supports et techniques qu’il a su totalement maîtriser. Miró a probablement été marqué par 50 ans d’histoire forgée par deux guerres mondiales. Ces évènements considérables, l’interrogation qu’il a sur les hommes, sur lui-même et sur sa terre natale ont toujours animé son travail », explicite Jean-Louis Prat, qui est aussi membre du Comité Joan Miró.
Juan Miró a ainsi été profondément marqué par les périodes de conflit de la première moitié du 20ème siècle et qui ont influé sur son oeuvre. Dans les années 30, la montée du fascisme le fait s’engager dans une lutte sans fin pour la liberté, entre autre avec des peintures dites « sauvages ». « Les gens comprendront de mieux en mieux que j’ouvrais des portes sur un autre avenir, contre toutes les idées fausses, tous les fanatismes », expliquait-il.
Cette rétrospective de l’œuvre de Miró est donc incontournable, pour se régaler de la richesse créatrice de l’artiste, pour plonger dans cet univers onirique inégalé, mais aussi pour découvrir des facettes plus méconnues de l’artiste. « J’ai toujours été ébloui par Miró, par ce regard, sa générosité et cette attention qu’il avait aux autres. Miró est universel, il est compris sur tous les continents. Et j’espère que le public sera là pour partager, car partager les rêves de Miró, c’est partager un espoir et partager un espoir, c’est croire qu’il y a toujours quelque chose d’intéressant par rapport au temps où l’on vit, » invite Jean-Louis Prat.
« J’éprouve le besoin d’atteindre le maximum d’intensité avec le minimum de moyens. C’est ce qui m’a amené à donner à ma peinture un caractère de plus en plus dépouillé. » Joan Miró
« Au moment de travailler à un paysage, je commence par l’aimer, de cet amour qui est le fils de la lente compréhension. » Joan Miró
« Les gens qui sont arrivés à faire quelque chose ont suivi différents chemins, mais aucun ne s’est écarté de son chemin. Cela doit être l’objectif le plus puissant de la vie d’un artiste. Quand on est vraiment un artiste cela devient un fait inéluctable, comme la nuit succède au jour. » Joan Miró
« J’obtiens de m’évader dans l’absolu de la nature et mes paysages n’ont rien à voir avec la réalité extérieure. Ils sont néanmoins plus montrogiens que s’ils avaient été faits d’après nature. » Joan Miró